Lettre ouverte sur la labellisation des manuels scolaires
Madame la Ministre,
Un groupe de travail a eu lieu le 11 avril à la Dgesco sur les critères généraux qui seraient mis en œuvre pour la labellisation des manuels. Ces critères ont été déterminés par le Conseil scientifique de l’éducation nationale.
Des organisations syndicales présentes lors de ce groupe de travail souhaitent vous rappeler l’opposition que toute la communauté éducative a déjà exprimé au décret labellisation. En CSE, il a reçu un vote défavorable : 33 contre, 2 abstentions, 2 pour, l’arrêté sur la procédure de labellisation a lui aussi été rejeté par 69 voix contre (5 abstentions). La communauté éducative, les éditeurs vous ont signifié leur opposition à cette labellisation des manuels. De plus, des sénateurs et sénatrices vous ont écrit pour vous demander d’abandonner cette mesure et pourtant le ministère continue d’avancer.
Le fait même de vouloir labelliser les manuels scolaires montre une volonté politique de reprendre en main les contenus et les pratiques enseignantes. Il convient de vous rappeler que si cela se fait dans certains pays européens, c’est le plus souvent dans des pays où les partis politiques d’extrême droite sont au pouvoir et où la démocratie est remise en cause.
Pour être utilisés dans les classes par les enseignantes et enseignants, les manuels doivent avant tout être conformes aux nouveaux programmes sans devoir, comme le permet le décret sur la labellisation, répondre à d’autres critères subjectifs. C’est ensuite aux professeur·es de choisir parmi les manuels celui qui correspond le mieux à leur pratique tout en restant conforme aux programmes en vigueur.
De façon générale, le document qui a été présenté traduit un total manque de confiance pour les enseignantes et les enseignants mais également un mépris de leur professionnalité.
A terme, l’objectif de la commission est bien de labelliser des manuels qui se fonderaient sur « les données probantes issues de la recherche en didactique et en sciences de l’éducation ». Derrière cela, il est fait référence explicitement aux « evidence based », excluant de fait les recherches fondées sur une méthodologie qualitative ou les recherches collaboratives. Cela reviendrait à exclure des manuels ayant pourtant une assise didactique établie, d’ailleurs vérifiée sur le terrain par les enseignantes et enseignants. Par ailleurs, la mention de “recommandations scientifiques” laisse dans l’ombre qui est légitime à exprimer ces recommandations.
Pour toutes les raisons évoquées, les organisations syndicales FSU, UNSA Éducation, SGEN-CFDT, CGT Educ’action et SUD Éducation considèrent les critères établis comme extrêmement dangereux pour les pratiques enseignantes et vous demandent de vous en tenir au critère de base qui reste la conformité aux programmes.
Veuillez croire, Madame la Ministre, en notre profond attachement au service public d’éducation.